LNG Canada : un tournant énergétique pour l’Ouest canadien… et un signal à ne pas manquer pour le Québec
Texte de Philippe Sauro Cinq-Mars
La première installation d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) à grande échelle du Canada vient officiellement d’entrer en fonction. Le projet LNG Canada, dirigé par Shell et implanté à Kitimat, en Colombie-Britannique, a produit ses premières quantités de gaz liquéfié au cours du mois de juin, comme l’ont rapporté Curtis Williams et Amanda Stephenson pour Reuters, le 23 juin 2025. Cette étape décisive marque un jalon majeur dans l’histoire énergétique du pays et pourrait transformer durablement la dynamique des exportations gazières canadiennes — du moins à l’ouest.
Une plateforme stratégique sur le Pacifique
Le projet LNG Canada, une coentreprise entre Shell, Petronas, PetroChina, Mitsubishi Corporation et Kogas, s’inscrit dans une logique de diversification énergétique mondiale. L’installation permettra d’exporter jusqu’à 14 millions de tonnes de GNL par année, un volume qui pourrait doubler dès l’an prochain si la décision finale d’investissement attendue en 2026 est favorable. Une fois pleinement opérationnelle, l’installation réduira considérablement le temps de navigation vers l’Asie, comparativement aux terminaux du golfe du Mexique américain, ce qui en augmente à la fois la rentabilité logistique et l’attrait stratégique.
La première cargaison de GNL n’a pas encore été officiellement expédiée, mais le méthanier Gaslog Glasgow devrait arriver au port de Kitimat autour du 29 juin, selon les données de suivi maritime de LSEG citées par Reuters.
Une réponse géopolitique à la fragilité des chaînes d’approvisionnement
Cette ouverture survient dans un contexte géopolitique tendu, alors que les exportations mondiales de gaz sont menacées par les tensions au Moyen-Orient, notamment le conflit entre Israël et l’Iran et les menaces de fermeture du détroit d’Ormuz, par où transite environ 20 % de l’offre mondiale. Dans ce contexte, l’arrivée d’un nouveau joueur nord-américain sur la scène asiatique est perçue comme une bouffée d’oxygène par plusieurs observateurs.
Lauren Krugel, dans un article de La Presse Canadienne, souligne l’enthousiasme de Shell et de ses partenaires, ainsi que les propos de la présidente de Shell Canada, Stastia West, qui voit dans le GNL « une énergie plus propre dans le monde entier ». Pour la première ministre albertaine Danielle Smith, le projet constitue un « antidote au chaos géopolitique » mondial et permettrait de remplacer les sources d’énergie plus polluantes comme le charbon.
Une étude de l’Institut Fraser, citée par Smith, estime qu’un doublement de la production gazière canadienne à destination de l’Asie pourrait faire diminuer les émissions mondiales de GES jusqu’à 630 millions de tonnes par an — soit environ 90 % des émissions totales du Canada.
Le Québec et le GNL : potentiel ignoré ou retard stratégique?
Mais si l’Ouest canadien a réussi à s’ouvrir une brèche dans le marché asiatique, une question s’impose : le Québec a-t-il raté le bateau? Pas forcément.
Dans un article que j’ai publié en décembre 2024, je faisais valoir que la fenêtre d’opportunité restait […]