Abandon de la taxe sur les services numériques : Carney recule, Trump triomphe
Texte de Philippe Sauro Cinq-Mars
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Le gouvernement canadien a officiellement annoncé l’abandon de la taxe sur les services numériques (TSN), initialement prévue pour être rétroactive et imposée dès ce lundi aux géants du web opérant au Canada. La décision a été rendue publique dimanche soir par le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, dans la foulée d’un échange téléphonique entre le premier ministre Mark Carney et le président américain Donald Trump.
Un recul stratégique présenté comme un « geste de coopération »
Selon le reportage d’Érika Bisaillon publié par Radio-Canada, le gouvernement Carney justifie ce retrait par la volonté de respecter le délai du 21 juillet 2025 fixé au Sommet du G7 à Kananaskis pour conclure un accord tarifaire global avec les États-Unis. Dans un communiqué, Carney affirme que cette mesure facilitera la reprise des pourparlers commerciaux entre les deux pays et permettra « de renforcer notre travail pour créer des emplois et assurer la prospérité de toute la population canadienne ».
Le ministre Champagne, qui avait lui-même discuté avec le secrétaire au Trésor américain Scott Bessent, a confirmé qu’un projet de loi visant à abroger formellement la Loi sur la taxe sur les services numériques sera présenté à l’automne. L’administration Biden n’avait jamais mis en œuvre de taxe similaire, préférant miser sur un accord multilatéral, tandis que le président Trump y voyait une attaque directe contre les entreprises américaines.
Une taxe avortée avant même sa première collecte
La TSN canadienne, entrée en vigueur en 2024, devait s’appliquer à des entreprises numériques générant plus de 20 millions de dollars de revenus annuels au Canada — en particulier dans les domaines de la publicité en ligne et du commerce électronique. Parmi les firmes ciblées figuraient des géants comme Amazon, Apple, Google, Meta, Airbnb et Uber.
Le taux d’imposition prévu était de 3 %, et le tout premier versement, fixé au 1er juillet 2025, devait être rétroactif sur trois ans. Selon les projections du directeur parlementaire du budget, cette taxe aurait permis à Ottawa de récolter environ 7,2 milliards de dollars sur cinq ans — un revenu fiscal loin d’être négligeable à l’heure où les finances publiques sont fragilisées.
Trump impose, Carney plie
Le véritable déclencheur de ce revirement est survenu vendredi dernier, lorsque Donald Trump a annoncé abruptement, sur sa plateforme Truth Social, qu’il suspendait toute négociation commerciale avec le Canada, qualifiant la TSN « d’attaque flagrante contre les intérêts des États-Unis ». Ce message a été perçu comme une mise en garde claire : maintenir la taxe signifiait compromettre toute tentative d’apaisement commercial entre les deux pays.
Dimanche, après un appel entre les deux chefs d’État, Carney a cédé. Trump, fidèle à sa posture transactionnelle, s’est abstenu de commenter l’abandon canadien — mais le geste a été immédiatement interprété comme une victoire politique et stratégique pour le président républicain.
Une victoire éclatante pour Trump, un affaiblissement pour Carney
Interrogé par La Presse canadienne, Daniel Béland, politologue à l’Université McGill, voit dans cette décision une « nette victoire pour Donald Trump ». Il note que Mark Carney, en reculant ainsi, cherche clairement à amadouer son interlocuteur américain, quitte à perdre du capital politique au pays : « Cela le rend vulnérable aux emportements du président Trump », affirme-t-il.
Il s’agit en effet d’un épisode révélateur des tensions croissantes entre Ottawa et Washington, dans un contexte où Trump a déjà annoncé une hausse des droits de douane sur l’acier et l’aluminium canadiens, les portant à 50 %, et menace de ne pas prolonger au-delà du 9 juillet la trêve tarifaire actuellement en vigueur avec plusieurs partenaires commerciaux.
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